Ali Kassaï Koupaï, Directeur Associé Automobile au sein d’X-PM et observateur privilégié, pointe le surcoût de la technologie électrique et souligne l’importance de la batterie dans la bataille économique en cours contre les industriels non-européens et chinois.
L’industrie automobile traverse une phase de transition comme jamais au cours de son histoire. En refusant la fin des véhicules thermiques sur le sol européen en 2035, l’Allemagne a considéré que toutes les conséquences de cette décision n’avaient pas encore été évaluées. La généralisation de l’électrique demande des investissements importants, notamment dans les gigafactorys, et suppose d’abandonner d’autres technologies comme les carburants de synthèse dont la disponibilité en quantité suffisante est improbable.
Malgré ce coup de frein, l’électrification se poursuit. Aujourd’hui, sur le segment des citadines et pour passer du thermique à l’électrique, le surcoût oscille entre 6 et 10 000 euros par véhicule, bonus fiscal déduit. Avec un véhicule électrique, le constructeur automobile investit plus de 100 euros pour chaque gramme de CO2 gagné. Dans son modèle économique, l’industrie automobile impute ce surcoût au client final.
Depuis quelques mois, les Véhicules Hybrides Rechargeables souffrent d’une désaffection de la part des acheteurs. Développée par des ingénieurs, cette technologie combine les deux mondes thermique et électrique, mais manque de rationalité en terme économique avec des consommations de carburant en forte hausse quand les batteries ne sont pas rechargées au quotidien. Cette solution de transition a été nécessaire pour passer au full electric, mais elle touche aujourd’hui à sa fin.
En revanche, l’arrivée de grands constructeurs internationaux sur l’hybride simple prouve la pertinence de cette solution. Dans sa première mouture, la norme Euro 7 devait contraindre les constructeurs à hybrider tous leurs véhicules à l’horizon 2025-30. L’hybride demeurerait une solution efficace jusqu’à la généralisation de l’électrique.
Dans le cadre de cette transition technologique, la bataille industrielle se cristallise autour des batteries. Si l’arrivée de la batterie solide est repoussée d’année en année, elle finira par émerger à un moment ou à un autre. Sur ce dossier, les acteurs européens ont pris la bonne décision en associant leurs ressources. S’ils accusent du retard par rapport aux industriels chinois, ils mutualisent les risques par ce regroupement.
Les conditions d’extraction du cobalt, minerai nécessaire à la fabrication des batteries, restent problématiques en matière de respect des droits de l’homme et sur le plan environnemental. Pour dépasser cette problématique, les chercheurs planchent sur une batterie sans cobalt. Les technologies de la voiture électrique ne sont pas encore stabilisées et cette dynamique doit être prise en compte dans la manière dont elles sont appréhendées. Quant à l’hydrogène, à ce stade, son rendement énergétique de seulement 30 % sur le cycle complet et son intégration dans l’architecture automobile le disqualifie pour le marché des véhicules particuliers et ce, même s’il reste prometteur pour les poids lourds et les bus.
Si la transition électrique se révèle nécessaire, elle demande des investissements importants. Les différents acteurs de cet écosystème doivent trouver des solutions pour absorber ces surcoûts. L’autopartage constitue une piste intéressante, mais sa rentabilité pour les sociétés de service n’est pas démontrée. Avec une mutualisation d’un véhicule entre deux personnes, le coût au km baisse de moitié. L’usage prime alors sur la propriété. A l’avenir, la mutualisation et les nouveaux modes d’utilisation vont venir bousculer la mobilité et l’attitude des consommateurs.
En attendant, les Gouvernements doivent protéger les constructeurs européens face aux acteurs étrangers au premier rang desquels figurent les industriels Chinois. C’est la condition d’une évolution sans casse sociale. L’Europe figure aux premiers rangs en matière de RSE et d’impact carbone et elle doit se protéger de productions moins vertueuses.